jeudi 31 mars 2011

Billet d'humeur : sur la pointe des pieds



Chaque jour je reprends pied dans mon quotidien et j'ai l'impression de le faire sur la pointe des pieds. J'y vais par petite touche, les sens en éveil. Comme si je faisais ces choses pour la première fois.

Les françaises qui habitent ici (Los Angeles) savent à quel point faire les courses est un acte quotidien avec des magasins divers selon les denrées recherchées. Mon fournisseur favori est et reste Trader Joe. A la grande surprise de mon cher et tendre, j'ai mis plus d'une semaine avant d'y mettre les pieds. Je ne saurai en expliquer la raison. Je ne voulais pas que ce soit une geste d'habitude mais j'attendais d'en avoir envie. Voilà, c'est ça. Je veux faire les choses avec envie et plaisir. Et en effet, le jour où j'y suis retournée, j'étais contente. J'ai apprécié les étales colorés, les étiquettes faites à la main, le sourire du caissier, la taille humaine du magasin.

Chaque chose que j'accomplis, même si je l'ai déjà faite mille fois, je la vis comme si c'était une première fois. C'est merveilleux. Alors je ne veux pas gâcher ce bonheur en en faisant trop d'un coup.

Ce matin, je me suis retrouvée dans un parc que je connais par cœur. Et pour cause, il se trouve à côté de chez la prof de piano de la Chups. J'y vais donc souvent. Je n'y étais pas retournée depuis des mois. Le soleil était radieux. Je suis entrée dans le parc tout doucement, les sens en éveil; j'ai goûté avec délectation les caresses du soleil, mon odorat s'est régalé de l'odeur d'herbe fraîchement coupée, mes yeux étaient ravis de regarder les enfants jouer dans le sable et les adultes s'adonner à leurs sports favoris. Puis je suis allée m'asseoir et j'ai écouté le chant des oiseaux. Voilà, rien d'extraordinaire, si ce n'est la vie.

Chaque chose doit être un plaisir, même les corvées. J'entends par corvées, ce qui doit être fait, qu'on le veuille ou non (lavage, repassage…). Mais selon la manière dont on les aborde, elles peuvent être corvées ou plaisir. Alors maintenant, c'est simple, si j'ai du linge à laver à la main, je n'en fais pas toute une montagne mais je m'y mets lorsque j'en ai envie. Il en va de même pour tout. Et c'est magique… du coup c'est indolore et je le fais finalement plus rapidement que lorsque j'érigeais cela en obligation.

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain:
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard - 1578 - Sonnets pour Hélène

Yiha


mardi 29 mars 2011

Billet d'humeur : il en faut peu pour être heureux


Vous vous souvenez de la chanson de Baloo dans Le livre de la Jungle ? "Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux…" C'est la première chose que je me suis dite ce matin en me levant.

Une bonne nuit de sommeil, une maison vide et calme, le café qui coule dans la cafetière et un rayon de soleil sur le balcon. Le bonheur absolu.

A force de courir après le temps, à force de m'être toujours donnée des obligations à grands coups de "il faut", "je dois", je m'aperçois à quel point je suis passée à côté de la vie. Combien de fois en fin de journée ai-je eu le sentiment de n'avoir rien fait alors que je n'avais pas arrêté ? Ah oui, mais je n'avais pas fait TOUT ce que j'aurais voulu faire.

Alors hier fut un grand jour. Une révolution dans mon petit monde.

Chupachups est en vacances depuis trois jours et mon homme est à l'autre bout du monde depuis dix jours. Ma douce ado devait aller hier dormir chez une amie. Ces demoiselles s'étaient mis en tête d'aller dans un parc d'attraction à Pétaouchnoque les bains aujourd'hui. On a bien tenté de me transformer en chauffeur. Alors, avant, me disant que c'était leurs vacances, qu'enfin la Chups avait une vie sociale et bla bla bla et bla bla bla, il y a fort à parier que j'aurais endossé le rôle de chauffeur et que j'aurais eu une journée atroce dans la mesure où je hais les parcs d'attraction ! Là, m'étant programmée pour avoir deux jours à moi et estimant qu'avoir géré une fête de 26 ados deux jours auparavant était une belle contribution à la vie sociale de la miss, j'ai accepté de financer l'entrée du parc d'attraction. Pour le reste, débrouillez-vous.

Donc hier, hormis accompagner la Chups chez son amie, à 35 kilomètres de la maison tout de même, pas de programme établi. Grand secret, grande découverte, révélation absolue ! Ne m'étant créée aucun contrainte pour la journée, j'ai eu le soir un ressenti inconnu jusque-là : celui d'avoir passé une journée très agréable alors que j'avais fait mille petites choses, dont plein de corvées disons-le. Deux secrets : pas d'auto-contrainte et un vrai moment de détente égoïste dans la journée.

Pour la première fois depuis de années, je me suis couchée contente de moi. Cela augure forcément une bonne nuit et un agréable réveil le lendemain.

Donc, voilà, ce matin je me suis levée avec la banane. J'ai apprécié le calme de la maison. J'ai adoré que mon regard embrasse une maison rangée (euh oui, parce que laisser la maison à mon homme m'a valu quelques touffes de cheveux en moins au retour). Et j'aime écrire en sirotant mon café au soleil sur le balcon.

Vive la Californie.

Yiha !

mercredi 23 mars 2011

Mon tombeur de père



Mon père était un très bel homme. A sa beauté s'ajoutait une grande classe, une éducation irréprochable et un goût vestimentaire sûr.

Non content de ces atouts, il avait appris à parler aux femmes (et à mon avis, pas seulement !). Bref il était un charmeur et un tombeur de première.

Je ne l'ai certes pas connu à ses heures de gloire puisqu'il m'a eue, comme on dit, sur le tard.

J'ai pendant longtemps regardé son appétence pour la gent féminine d'un très mauvais œil. Un tombeur fait par définition bien des dégâts et la première qui en pâtit est forcément son épouse et indirectement sa progéniture. Alors, je lui en ai longtemps voulu.

Et puis la vie passe et vous change. A tout le moins, elle a changé mon regard. Je ne suis plus dans la critique mais dans l'interrogation. Et dans l'interrogation sur les deux camps. Peut-être parce qu'aujourd'hui j'y porte un regard de femme et non un regard de fille. Je serais sûrement charmée de me faire courtisée par ce genre d'individu !!!

Qu'est-ce qui poussait mon père, et qui pousse tout tombeur, à toujours chercher à séduire ? Parce qu'au fond, je ne pense pas que ce soit la finalité mais le jeu de la séduction qui est le nœud de toute l'histoire. Et ce jeu devient un art; apprendre à jouer du regard, du sous-entendu, du compliment, franc ou à demi-mot; savoir faire rire et que sais-je encore.

Faut-il aller fouiller dans l'enfance pour comprendre ? Chercher des manques, un désamour de soi, une carence affective ? Très certainement.

Et ma mère dans tout cela ? Comment n'a-t-elle pas compris qu'elle ne le changerait jamais ? Certes, quand on tombe raide dingue amoureuse, on ne choisit pas. Mais tout de même, de là à divorcer pour l'épouser, c'était de la naïveté à l'état brut.

Cependant, quoi de plus agréable que de se faire courtiser ? N'est-il pas bon de sentir toute cette attention tournée vers soi ? Il est si valorisant de se sentir l'objet de toutes les attentions. C'est si bon pour l'égo. Et voilà tout le danger ! Car en l'occurrence, ce qui intéresse le tombeur, c'est de vous faire tomber dans les mailles de son filet. Après c'est de l'acquis. Plus aucun intérêt… pour lui du moins.

Je trouve cela fascinant ! On y retrouve l'instinct du chasseur et la fameuse image du mâle dominant. Car le tombeur domine sa proie, joue avec elle. Il s'agit de charmer et de se faire aimer, mais aussi de dominer.

Je comprends parfaitement qu'on se laisse avoir lorsqu'on est une jeunette sans expérience. Je comprends plus difficilement qu'on se laisse berner quand on a un peu de bouteille. Mais je sais gré à mon charmeur de père d'avoir œuvré et à ma naïve de mère d'avoir succombé, sans quoi je ne serais pas là !

Je leur pardonne bien volontiers les souffrances que cela a engendrées… (moi au milieu d'un divorce sanglant) car, forte de leur exemple, j'ai su choisir un homme charmant mais pas un tombeur. Je sais aussi qu'il est capital d'être charmante et charmeuse après plus de vingt ans de vie commune pour entretenir la flamme.

Et bon courage à toutes celles qui se laissent envouter par un tombeur et sont persuadées qu'elles pourront le changer. Parce que franchement ça tient du fantasme mais pas du réalisable ! 

Yiha

Billet d'humeur : les ados


Tous les comiques ont fait au moins un sketch sur les ados. Je les comprends. C'est un monde fascinant, par lequel nous sommes tous passés, mais que nous avons vraisemblablement oublié.

Chronique d'un soir, avec une ado, facile au demeurant.

Retour tardif du cours de piano, c'est à dire vers 20h30. Votre ado chérie a dîné avant de partir à son cours. Mais vous savez déjà qu'un deuxième dîner sera de rigueur au retour.

Bingo, vous aviez raison. Vous suggérez un bain chaud pendant que vous préparez le deuxième dîner. Le bain coule pendant que votre progéniture se restaure. Il est vrai qu'en même temps, elle chat et regarde des vidéos. Vous devez donc revenir cinq fois avant que votre fille se coule enfin dans son bain. Il est 22h00. La force d'inertie de cet être vous fascine.

Vous ne savez pas comment, mais votre fille est prête à se coucher à seulement 23h20. Vous partez avec son ordinateur et allez à votre tour vous couler sous votre couette.

Une petite voix vous souffle de vous relever. Vous voyez de la lumière sous la porte de la chambre. Vous frappez. Pas de réponse. Vous entrez. Votre ado est en train d'écrire. Bien. Vous accordez un quart d'heure de plus.

Vous retournez dans votre lit. Vingt minutes plus tard, vous vous relevez histoire de vérifier. Bien entendu, la lumière est toujours allumée et votre ado continue d'écrire. Vous faites en sorte qu'elle se couche.

Une fois de plus, vous allez vous coucher. Un doute vous assaille et vous vous relevez. Vous entendez votre enfant chanter. C'est louche. Vous frappez. Pas de réponse. Vous entrez… Elle écoute de la musique sur son (votre) i-pod.

Fin des hostilités à minuit passé. Vous êtes fière de vous, vous ne vous êtes pas énervée. Mais demain matin à 6h45 vous savez que vous vivrez un cauchemar.

A chaque jour suffit sa peine.

Yiha !

lundi 21 mars 2011

Pourquoi un cancer


A tort ou à raison, il m'a toujours semblé que nous ne développions pas un cancer par hasard. Certes, certains facteurs extérieurs entrent en ligne de compte mais je reste convaincue que cela ne suffit pas.

J'ai eu dans mon entourage des personnes qui, à mes yeux, développaient un cancer comme si c'était un appel à l'amour. Ne se sentant pas reconnues et aimées pour ce qu'elles étaient, elles ont ainsi appelé l'attention de leurs proches. C'est un constat et non un jugement de valeur. Nous sommes des êtres complexes s'il en est et nous ne sommes pas fournis avec un mode d'emploi comportant la page "que faire en cas de panne".

Ce principe étant posé, et sortant moi-même d'un traitement contre le cancer, je me retourne la question. Pourquoi ai-je laissé, certes inconsciemment, des cellules cancéreuses se développer ?

Primo, parce que, sous prétexte d'antécédents familiaux, j'étais intimement convaincue que, vers 40 ans, j'aurais un cancer du sein.  Bingo, c'est fait. Comme ça, un, je peux cocher la case, deux, je peux dire "j'avais raison". Quelle satisfaction ! (tu parles d'une couillonnade!)

Bon, c'est un peu léger comme explication. Alors j'ai décidé de creuser, histoire de trouver le deuxio.

Je sors aujourd'hui de sept mois de galère. Tant que j'ai été dans le tourbillon, je me suis attelée à avancer et à rien d'autre. Je n'ai eu de cesse de dire que je n'avais pas été malade. Et pour cause, le cancer a été détecté extrêmement tôt. Pourtant, à l'heure actuelle, j'envisage les choses autrement.

Je ne me suis pas sentie malade, certes, mais je ne peux pas dire que je n'ai pas été malade. Que je le veuille ou non, le cancer était bel et bien là, et si rien n'avait été fait, dans quelques années j'en serai morte.

En clair, maintenant que le plus dur est passé, je me dis que j'ai failli y passer. Il m'aura fallu du temps. Bourrique !

La question reste : pourquoi ai-je laissé la mort venir ?

Je ne pense pas avoir ainsi voulu lancer un appel à plus d'amour de la part des autres. Mais cet appel, c'est à moi que je l'ai lancé. Car jusqu'à présent, je ne peux pas dire que je me sois beaucoup aimée. En fait, je ne me suis vraiment pas laissé de place.

En effet, j'ai le sentiment d'avoir plus souvent fait les choses pour satisfaire les désirs d'autrui ou pour satisfaire les convenances. En fait, l'empreinte  laissé par nos parents est terrible. Je me suis retrouvé étouffée par les convenances et finalement, je n'ai pas eu mon mot à dire sur mes choix et mes orientations. Ont-ils cherché à savoir qui j'étais pour m'aider à m'épanouir dans une voie plutôt que dans une autre ? Non. Quant à moi, j'ai pris pour argent comptant que "je ne ferai même pas polytechnique chiens", phrase que l'on m'a serinée pendant longtemps. Bref, comme on m'a bien fait comprendre que j'étais nulle, c'est restée un postulat. Bonne chance pour le développement personnel après ça !!!

Le fait d'avoir échappé au pire fait que je veux changer cela. Je souhaite arrêter de me mettre des bâtons dans les roues. Arrêter de m'empêcher de faire les choses sous prétexte de complexes absurdes. Et surtout, surtout, je veux profiter de la vie et me faire plaisir. Car, il m'aura fallu 40 ans pour le comprendre pleinement : on n'a qu'une vie. Cette phrase simple que j'ai certainement employée mille fois, comme tout le monde, vient de prendre tout son sens.

J'ai failli laissé la mort s'installer, peut-être parce qu'une part de moi n'était jamais née. Je souhaite donc la bienvenue à cette nouvelle Muriel qui va s'aimer, s'écouter et se faire plaisir.

Yiha

Billet d'humeur : ça n'est pas grave mais ça m'énerve

J'imagine que vous avez tous vécu la chose suivante. Lorsqu'on se retrouve face à une situation qui demande de se surpasser, tout va bien. Par exemple, si vous avez un gros dossier à traiter dans votre boulot avec une date buttoir; si vous devez faire face à une situation inattendue (décès, maladie, que sais-je encore). C'est extraordinaire de voir à quel point nous avons des ressources que nous ne soupçonnions pas pour aller de l'avant.

Et puis, lorsque le dossier est rendu, lorsque l'épreuve est passée, pif, paf, pouf, l'organisme dit stop.

Soit vous sentez toute la fatigue du monde vous tomber sur les épaules, soit vous tombez malade.

Et voilà, je suis rentrée en France fin septembre pour affronter une chimio inattendue. J'ai eu droit à un froid auquel je ne suis plus habituée et tout s'est bien passé. J'ai traversé la neige et des températures inférieures à 0°C sans ambages. Lorsque je suis rentrée à Los Angeles pour un mois, histoire de souffler et de me ressourcer, j'ai eu une bronchite asthmatiforme du plus bel effet.

Je suis repartie à Paris pour la radiothérapie. Six semaines d'un traitement fastidieux. Là encore, rien à signaler.

Et bingo. Je suis de retour à Los Angeles depuis 10 jours… et j'ai une angine.

Certes, le plus important était d'arriver à faire face aux épreuves les plus lourdes. Donc, l'un dans l'autre, c'est anecdotique et sans importance, mais ça m'énerve !

lundi 14 mars 2011

La chimio

26 septembre 2010
Récapitulons. Je suis arrivée à Paris depuis une semaine; j'ai appris que je n'échapperai pas à la chimio, j'ai fait couper mes cheveux, je vais me faire poser une chambre implantable demain (sorte de cathéter) et avoir ma première chimio dans trois jours. Ça s'appelle un démarrage sur les chapeaux de roue !


Nouvelle coupe


Mais je prends tout cela avec le sourire malgré tout. Restons positive ! Cependant, il y a une petite ombre au tableau; une insupportable douleur s'est réveillée depuis hier, et je ne sais plus comment me tenir. Debout, assise, couchée, en poirier ??? Bon, on arrête de se plaindre et on avance.


Lundi, entrée en ambulatoire pour la pose de la chambre implantable; et hop, ça c'est fait. Le lendemain, prise de sang. Et hop ça c'est fait. Le surlendemain, première chimio. Donc, le matin, ingurgitation de doses massives de médicaments pour éviter les nausées puis on passe aux choses sérieuses. En fait, rien d'extraordinaire... un goutte à goutte de plusieurs heures. Le top du top, ça reste le casque réfrigérant.


Qu'est-ce qu'un casque réfrigérant ? C'est une sorte de bonnet bien lourd, qui sort d'un congélateur bien glacé et qu'on vous pose sur la tête dans l'espoir que la vaso-constriction ainsi engendrée limitera les méfaits de la chimio sur votre belle chevelure ! Qui plus est, il est d'un bleu roi tout à fait saillant ! Alors là, comment vous dire, on se sent d'un ridicule achevé mais en même temps on est prête à tout pour sauver ses cheveux. Heureusement qu'on ne se voit pas !!! Dans la même gamme, on m'a proposé les moufles, assorties; restons chic, même dans le ridicule. Mais là, avec mon syndrome de Raynaud (problème de circulation) c'était impossible. 


Donc, vous avez des femmes qui lisent des magazines chez le coiffeur en ayant la tête sous le séchoir avec des bigoudis ridicules plantés sur leur crâne; et bien moi je lisais du Dumas à la clinique avec un bonnet bleu atroce. Les unes c'est pour être bien coiffées, les autres dans l'espoir de garder quelque chose à coiffer !!!


Bon, fin de la première chimio. Je sors de là avec le tournis mais tout va bien. Et hop ça c'est fait. Le lendemain jeudi, piqûre de Neulasta pour remonter les globules blancs. Et hop, ça c'est fait.


Les effets secondaires ? J'ai décidé de faire comme s'il n'y en avait pas. C'est un parti pris comme un autre. Je ne suis pas complètement folle non plus. Mes chimios ont lieu le mercredi et je ne prévois rien jusqu'au dimanche soir. Comme ça, je peux me reposer. Je fais une demi-heure de marche matin et soir pour lutter contre la fatigue et ça ne fonctionne pas si mal. Quant à l'espèce de barre qui ne me quitte pas et qui somme toute est une nausée permanente, je la traite par le mépris.


Il est dit que la perte des cheveux (alopécie) survient en général trois semaines après la première séance de chimio. Je profite de ce laps de temps pour me préparer... et je m'en sors très bien ! Il est hors de question que je me colle une perruque sur la tête. Si ça doit tomber, ça tombera et je porterai un turban. J'ai déjà fait un stock de foulards de toutes les couleurs pour les assortir à mes tenues. Je me suis entraînée à les mettre; tout va bien. Au fond, je trouve que ce serait une expérience amusante. Quelle forme à mon crâne ? Rond et lisse ou bien tout cabossé ? Après tout, je n'aurais jamais eu l'idée de me faire tondre pour avoir la réponse. Et puis, je vais être plus chauve que mon beau-frère. Rigolo !


Je suis à quelques jours de la deuxième séance. En effet, je perds mes cheveux par poignée. Le plus désagréable est le plan : je me réveille et lorsque je me retourne sur mon oreiller, je me retrouve le nez dans une poignée de cheveux. Là, c'est un peu dur moralement, j'avoue. Mais encore une fois, j'avance. Les infirmières insistent pour que je remette le casque lors de la deuxième chimio. Au moment du changement (tout les demi-heures) j'y renonce. Et le vendredi, je vais chez le coiffeur me faire raser la tête. J'y vais avec une amie pour la séance photos. Je m'éclate et je ressors de là avec une pêche d'enfer.


La déprime !!!

C'est parti

On y est presque.


                  
Et voilà.

J'ai gagné !!!

Les séances de chimiothérapie se suivent mais leurs effets secondaires ne se ressemblent pas. Globalement, je trouve que tout se passe très bien.


Finalement, ce qui m'embête plus, c'est cette fichue douleur qu'en l'occurrence je ne peux pas ignorer. Après avoir ingurgiter quantité de médicaments (!!!) je finis par consulter. Histoire de donner un peu de piment à ce séjour parisien, je finirai sur la table d'opération une semaine avant ma dernière chimio.


Je finis donc en apothéose. Opération le 22 novembre, dernière chimio le 1er décembre et douze heures d'avion avec 9 heures de décalage horaire le 4 décembre.


Je ne comprends pas pourquoi, mais je suis rincée pendant trois semaines !!!


Yiha

dimanche 13 mars 2011

Mon voisin, cet inconnu

C'était un petit homme discret. Je le croisais souvent.

Il portait toujours des bottines à talonnettes histoire de gagner un centimètre ou deux. Sa garde-robe n'avait pas été rafraîchie depuis les années 80 mais il avait à cœur d'être bien mis de sa personne. Son regard semblait souligné d'un trait de khôl, ses cheveux étaient impeccables; certainement teints mais avec discrétion. Je ne saurai dire son âge. Disons entre 70 et 80.

Jamais en quatre ans je ne l'ai vu accompagné. Jamais en quatre ans quiconque n'est venu frappé à sa porte. Il était seul, désespérément seul.

Chaque jour il prenait sa voiture pour aller faire un tour ou prendre ses repas à l'extérieur. Je n'ai pas le souvenir de l'avoir croisé avec un sac de courses.

A travers sa porte, j'entendais parfois de la musique classique ou sa télévision. Il était abonné au LA Times et lorsqu'un être mal intentionné s'est mis à lui voler son journal, je l'ai senti désemparé.

La dernière fois que je l'ai vu, il y a de cela deux mois, j'ai remarqué que son pas était moins sûr, plus lent. Et puis voilà, je suis repartie en France pour deux mois.

La veille de mon retour, mon mari m'a appris son décès. J'ai eu un pincement au cœur. Mon mari a croisé son cadavre escorté par la police alors qu'il rentrait de tournage. L'avant-veille, il était allé l'aider à déplacer son canapé.

Alors que je rentrai de l'aéroport, mon regard s'est posé sur sa porte, sentant que dernière il ne restait qu'un grand vide.

A ma grande surprise, j'appris que Melvin, puisque tel était son nom, avait trois enfants. Un vrai choc. Comment imaginer une tel solitude chez un père de trois enfants ?

Le lendemain, je passai devant sa porte pour aller nager. La porte était ouverte. Devant, un caddie et un diable. Je ne vis personne à l'intérieur.

Alors que je faisais le chemin inverse, je vis qui se chargeait de vider son appartement; la femme de ménage de l'immeuble et l'homme qui fait toutes les petites réparations de la résidence. Même là, ses enfants ne s'étaient pas déplacés. Un frisson me parcourut.

Combien sont-ils à survivre ainsi ? Car, ce n'est plus vivre que d'être ainsi abandonné de ses enfants, seul, désespérément seul, sans ami. Il était petit et discret. Il passait à pas feutrés dans les couloirs. Nous, ses voisins, nous contentions de le saluer, de prendre de ses nouvelles comme on le fait toujours, par courtoisie polie. Jamais nous n'aurions eu l'idée de l'inviter, jamais je ne lui ai proposé de lui faire une course. Jamais je n'ai pris le temps de m'interroger sur qui il était.

Et voilà, Melvin est parti. Il s'est tiré une balle dans la tête.

samedi 12 mars 2011

Encore une bonne nouvelle !




18 août 2010 : Me voici de retour sous le soleil californien. J'ai un mois pour rassurer les miens, faire le plein d'énergie avant d'attaquer les 6 semaines de radiothérapie et préparer au mieux mon absence de deux mois.

Mes amis tombent des nues en découvrant que je suis malade... je n'ai pas cru nécessaire d'en faire étalage et bon nombre d'entre eux ne seront toujours pas au courant lorsque je reprendrai l'avion vers Paris. Je ne veux surtout pas passer pour une victime. Je déteste ça. Ni me faire remarquer.

La vie de mère de famille à LA consistant essentiellement à faire le chauffeur avec des horaires débiles (départ à 7h30 le matin et sortie à d'école à 15h15 l'après-midi, soit un départ de la maison à 14h30) et des distances conséquentes (l'école de Chupachups est à 16 km de la maison), une absence prolongée pose un sérieux problème ! Et bien sûr, les copines sont elles-mêmes mères de famille avec des enfants scolarisés dans d'autres écoles et des horaires similaires. Je ne veux pas non plus confier ma voiture et la vie de ma princesse et de son copain (covoiturage) à quelqu'un en qui je n'ai pas confiance.

Là intervient, non pas Zorro, mais mon amie Yasmine. Quelle perle ! Elle a quitté définitivement LA fin juillet après une période que je qualifierais de houleuse (c'est le moins qu'on puisse dire). Je tente le tout pour le tout, et lui demande du bout des lèvres si éventuellement elle ne pourrait pas revenir quelques temps à LA. D'autant qu'elle habitait notre immeuble et que c'est un couple d'amis à elle qui a repris le bail et n'utilise l'appartement que pendant leurs vacances. Dois-je décrire ma joie et mon soulagement lorsque Yasmine accepte ? Non. Grâce à elle, je peux partir sereine pour affronter la suite des événements. Chupachups est entre de bonnes mains et l'homme de ma vie pourra travailler à son rythme (c'est à dire tout le temps!).

Un mois s'est écoulé et me voici de nouveau à Paris. Je vais voir Patrick, "mon" chirurgien. Et comme la vie manquerait définitivement de piquant si tout s'y passait comme prévu, il m'annonce que je vais avoir droit à une chimiothérapie. Aïe, ouille, j'en ai marre de prendre des coups ! Et puis j'ai eu la bonne idée de lui parler de dame nature. Ça l'a un tantinet énervé, et il m'a fait remarquer que si je voulais m'en remettre à elle, je serai morte dans cinq ans. Bien fait pour toi ma fille, quand on cherche on trouve. On m'a pourtant bien dit de tourner sept fois ma langue dans la bouche avant de parler.

Bon, je dois voir l'oncologue pour la première fois le lendemain. Je ne désespère pas d'une meilleure nouvelle. L'espoir fait vivre.

Alors là, je rencontre Monsieur 100 000 volts, alias Yvan, qui va pouvoir rentrer dans mon jeu des 7 familles, sous l'appellation de "mon" oncologue. Il est top. Cette fois, il est clair que je n'échapperai pas à la chimio pour 2 bonnes raisons : mon jeune âge (oui, encore) et la nature de la tumeur. Il faut dire que cette vacherie a grossi de 40%  entre l'échographie et l'opération, soit en 28 jours. Je ne veux même pas imaginer l'ampleur des dégâts si j'avais fait ma mammo 6 mois plus tard. Voyons le côté positif des choses : je n'aurai "que" quatre chimio. On se console comme on peut.

En clair, cela veut dire :
1) prolonger mon actuel séjour de plus de deux semaines,
2) revenir deux mois début 2011 pour la radiothérapie.

Pour le premier point, Sainte Yasmine est encore passée par là et est restée jusqu'à mon retour. Pour le deuxième point, je verrai ça plus tard. Chaque chose en son temps.

Une chose est sûre, qui dit chimio, dit perte des cheveux. Je n'ai eu les cheveux courts qu'une fois, à l'âge de 15 ans, et j'avais trouvé ça atroce. Là, je ne vais pas tourner autour du pot, ce n'est pas mon genre. Dès le lendemain, je suis chez le coiffeur. Et incroyable mais vrai, j'adore ma nouvelle tête ! Puisqu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, je vais me mettre dans les non imbéciles, et garderai les cheveux courts lorsqu'ils daigneront repousser.

Et comment réagissent à toutes ces nouvelles mes deux oiseaux qui sont 
à l'autre bout du monde ? Je ne saurai parler en leur nom. Ils sentent que je relativise et que je vis tout cela de la meilleure manière possible. Je positive et j'avance. Alors je pense que cela les a aidés eux aussi. Qu'auraient-ils pu faire si j'avais eu un air malheureux et catastrophé au téléphone ? Rien. Ils auraient été inquiets, impuissants et auraient de plus culpabilisés. C'eut été ridicule et négatif.

Qu'est-ce que relativiser et positiver dans cette tempête ? D'abord, se dire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer et que c'est pour la bonne cause. Se dire que l'éloignement et les conditions dans lesquelles cela se passe peuvent être un atout. En effet, ma prise en charge par mes beaux-parents m'offre la possibilité de ne rien gérer du quotidien et de me reposer autant que nécessaire. Pas de courses, pas de trajets à l'école, pas de devoirs à surveiller et j'en passe. Et pour mon mari et ma fille, ça leur épargne de vivre le quotidien de la fatigue, la perte des cheveux, les nausées et autres plaisirs dus au traitement.

Alors qu'aurais-je trouvé comme argument positif si j'étais restée chez moi ? Que gérer le quotidien m'aidait à rester ancrée dans la vie. Que l'affection et l'attention prodiguées par mes deux amours étaient un moteur. En fait, je n'en sais rien, mais je suis sûre que j'aurais trouvé  !!!

jeudi 10 mars 2011

Vive les vacances ! (suite)

30 juillet. Chupachups et moi rentrons de notre petite escapade. Le lendemain elle part avec mes beaux-parents et son cousin. Ils vont passer  une semaine aux Arcs avant de partir dans le bordelais où je les rejoindrai mi août. En attendant, je reste seule à Versailles puis irai le 9 à La Rochelle chez une amie d'enfance. Elle a appris fin février 2010 qu'elle avait un cancer du sein. Elle a subi 6 séances de chimio puis a été opérée en juillet. Je la trouve extrêmement courageuse. Au téléphone, je la sens toujours souriante et pleine d'énergie. Je suis remplie d'admiration et suis ravie à l'idée de passer une semaine avec elle, son mari et leurs cinq enfants.


Pour l'instant, je m'apprête à savourer cette grosse semaine de liberté qui me tend les bras. Pas de mari, pas d'enfant, pas de contraintes. Seule dans une grande maison pour vivre à mon rythme. Le genre de vacances dont on rêve et que l'on n'a jamais.


Lorsque j'appelle ma "mère adoptive" pour savoir si elle a obtenu les résultats de la biopsie, je la sens pour le moins évasive. Elle me noie le poisson... Pas son genre. Bizarre, vous avez dit bizarre, comme c'est étrange. Et elle m'invite à dîner le dimanche 1er août chez elle (c'est drôle, il y a des dates dont on se souvient mieux que d'autres). Vu sa tête à mon arrivée, pas la peine d'avoir inventé le fil à couper le beurre pour comprendre qu'il y a un os dans le pâté !


Ah mais alors là, attention. J'ai droit a du service 4 étoiles. Du grand Evelyne. Elle ne se contente pas de m'apprendre que j'ai un cancer du sein en me disant ce qu'il me reste à faire. Pas du tout. Le vendredi elle a hurlé auprès du labo et a enfin obtenu les résultats de la biopsie. De là, elle a téléphoné à mon chirurgien, Patrick (oui, depuis 25 ans qu'il s'occupe de mon cas, c'est "mon" chirurgien... mais je le partage quand même !). Il ne rentre de vacances que fin août et ne veut pas me faire attendre (merci Patrick, tu es génial). Il suggère l'hôpital Mignot à Versailles. Bon, deuxième coup de fil; au médecin qui a pratiqué la biopsie cette fois. Lui aussi est parti en vacances. Il n'en revient pas que ce soit cancéreux et fait le nécessaire auprès de l'hôpital pour une rapide prise en charge. Oui, nous sommes en août, et ce n'est pas forcément la meilleure période de l'année. Et enfin, elle appelle l'oncologue pour discuter des résultats et de la suite des événements. Bilan des opérations, elle peut déjà m'annoncer 6 semaines de radiothérapie et 5 ans d'hormonothérapie (yes, pas de chimio. Ouf de ouf) et me dire que j'ai rendez-vous chez le chirurgien le lendemain. Ça s'appelle une équipe de choc et des médecins dévoués. En attendant, j'ai l'impression qu'on vient de me balancer un sacré uppercut et je repars un peu sonnée. Sans compter que je dois prévenir mon cher et tendre qui est resté à Los Angeles. Je ne me souviens pas si je me suis écroulée au téléphone ou si j'ai fait ma bravache. Le trou noir.


Alors, voici donc ma semaine de vacances de rêve... Rendez-vous avec le chirurgien le 2 août et opération prévue le 10. Entre les deux, un examen médical chaque jour ouvré. Et c'est parti : prise de sang, radio des poumons, rendez-vous avec l'anesthésiste, scintigraphie osseuse, échograhie de l'estomac et recherche du ganglion sentinelle. Adieu veaux, vaches, cochons, couvées. Pour une semaine de totale liberté et sans contraintes, c'est réussi !


J'ai appelé mon amie pour lui dire que je venais de rejoindre son club et que je ne pourrai pas venir à La Rochelle. J'ai averti ma belle-mère en ne voulant pas l'annoncer à Chupachups tout de suite... qu'elle profite pleinement de ses vacances avec son cousin. Ma belle-mère rentrera la veille de mon opération, que je ne sois pas toute seule. Trois jours avant son retour, j'ai dit à Chupachups que j'allais subir une petite opération de rien du tout. Hors de question de prononcer le mot cancer au téléphone.


Et que fait-on en de pareilles circonstances quand on est la femme la plus raisonnable de la terre ? On prévoit de ne pas changer le planning pour ne pas inquiéter sa fille. Traduction : on se fait opérer le 10, le 14 on est dans le train pour aller à Bordeaux (avec belle-maman qui traîne votre sac de 27kg puisque vous ne devez rien porter) et le 18 on reprend l'avion à Bordeaux avec fifille pour rentrer à Los Angeles. Je me demande si je suis tout à fait normale ?!


Je n'ai annoncé mon cancer - c'est rigolo ce côté possessif typiquement féminin. "Ma" gynéco, "mon" chirurgien. Maintenant il y a "mon" oncologue et "mon" cancer. - Je n'ai donc annoncé mon cancer à ma fille qu'une fois avec elle, c'est à dire une fois qu'elle avait pu voir que j'allais très bien.


Bilan, mes vacances n'ont pas été des vacances. Ma semaine de "vacances de rêve qu'on n'a jamais" est partie aux oubliettes. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot et je compte bien l'avoir un jour ou l'autre. Dans l'immédiat, je m'envole vers LA pour un mois. Je veux assurer la rentrée de Chupachups fin août, remettre la maison en route et faire le plein d'énergie - pour ça j'ai le soleil et l'homme de ma vie, ce qui fait deux soleils - avant de revenir en France pour la radiothérapie fin septembre.

mercredi 9 mars 2011

Vive les vacances !

4 juillet 2010 : pour la première fois depuis 4 ans, je rentre en France en été pour de longues vacances. Quel bonheur ! Cependant, une idée m'obsède : faire une mammographie le plus vite possible.


Une semaine après mon arrivée, je me rends donc à ce charmant examen que vous connaissez bien mesdames, et qui consiste à voir votre poitrine se transformer en pâte à modeler et qu'on écrase allègrement. Bref, RAS. On enchaîne donc avec l'échographie. Alors que le radiologue ouvre la bouche pour me dire que tout va bien, je sens un temps d'arrêt. Aïe, aïe, aïe. Bingo, un nodule. Et hop, on repart faire une mammo dans la salle voisine. Toujours rien à la mammo. "Ne vous inquiétez pas, c'est tout petit et je suis sûr que c'est bénin. D'autant qu'il n'y avait rien à la précédente. Prenez rendez-vous pour faire une biopsie et vous assurer que tout va bien."


Bien. Je repars toujours aussi souriante bien qu'intérieurement secouée. J'ai craqué en rentrant et en annonçant la nouvelle à ma belle-mère. Je me suis accordée cinq minutes pour m'écrouler. Pas plus.


Je préviens aussitôt ma "mère adoptive" qui se trouve être ma gynécologue. Dès le lendemain, alors qu'elle est en vacances, elle m'emmène dans la clinique où elle fait faire les biopsies. Nous sommes jeudi, et le jour pour cet examen est le vendredi. On examine mes clichés. Comme il n'y a rien à la mammo mais qu'un tout petit nodule apparaît sur l'écho, on me refait le coup de la mammo. Et c'est reparti; on écrase, on compresse, on torture ! Evidemment, on ne voit rien de plus cette fois-ci. Rendez-vous est pris pour le lendemain.


Et vive les vacances ! Ma mère adoptive m'emmène et me tient la main (façon de parler!) pendant le prélèvement. Elle aussi est persuadée que tout cela est bénin. D'autant qu'il faut savoir qu'elle est là, pour trouver la tumeur. Le médecin chargé de la biopsie pense de même. Alors hauts les cœurs ! 


Pendant le prélèvement, je ne fais pas la maligne; je me sens très mal... il s'avère que je fais une allergie à l'iode. Un cauchemar. Sur le chemin du retour, je ne suis pas au mieux de ma forme.


Bon, puisque tout le monde, enfin, tous les médecins, sont optimistes, je ne vois pas pourquoi je m'en ferais. Je passe donc les deux semaines suivantes en étant très sereine. Ma fille est venue me rejoindre et nous nous faisons une escapade d'une semaine. J'aurais dû recevoir les résultats avant notre départ, mais le labo a pris du retard. Cela ne me pose aucun problème; je suis très zen.

Billet d'humeur : Venice Beach


Je marche le long de l’océan Pacifique, à Venice Beach, Californie.
Comme souvent, pour ne pas dire toujours, le soleil est au rendez-vous. Les échoppes qui bordent la promenade ne sont pas encore ouvertes. Mais le lieu est déjà plein de vie.
Je viens de commencer ma marche quotidienne. Je pars de Venice Beach et me dirige vers Santa Monica. A ma droite, les magasins fermés. A ma gauche une bande de gazon et palmiers me sépare de la piste cyclable et de la vaste plage blanche.
Comme tous les matins, je vois le même afro-américain, assis sur le même banc et qui regarde les gens passer. A sa tenue vestimentaire et à son hygiène qui laisse à désirer, je l’ai rangé dans la catégorie des clodos qui habitent ce lieu mythique et touristique. Disons qu’il n’est pas extrêmement sale, ni vraiment propre et que sa tenue est toujours identique. Il n’a pourtant pas le regard triste. Nous sommes sa télé en 3 D en quelque sorte, et cela semble lui suffire. Il ne fait pas la manche, ne semble pas affamé, ni aviné, ni drogué. Non, il est juste là à observer le monde.
Un peu plus loin sur ma gauche, plus proche de l’océan après avoir dépassé « Muscle beach », il y a un attroupement. Chaque fois que je passe à cette heure-ci, il y a cette même masse humaine. La première fois, je me suis demandé quel drame avait pu se jouer juste là. Une bagarre à coups de couteaux ? Une mort par overdose ? Non, il doit s’agir en fait d’une distribution de nourriture pour les clochards qui « habitent » ici.
Au fur et à mesure de ma progression je retrouve les mêmes personnages colorés qui peuplent le lieu. J’ai toujours le sentiment de traverser un endroit qui s’est figé dans le temps; à la fin des années soixante ou au début des années soixante-dix. Les hippies sont légion. Ils sont là, par petits groupes, pieds-nus, les cheveux avec des pseudo dread-locks. Les filles ont des jupes longues à fleurs. Installés sur des bancs ou des couvertures, ça sent la marijane à plein nez. Leurs chiens portent un bandana. Pourtant ils n’ont pas l’âge d’avoir connu Woodstock. C’est amusant.
Il y a aussi le vieux rocker qui joue de la gratte, habillé tout en noir. Il a une queue de cheval qui a blanchi avec les années. Tout comme sa grosse moustache du reste. Il n’a jamais dû assouvir son rêve de devenir un grand guitariste de groupe de rock et se retrouve là, sans grand espoir de changement mais heureux de s’adonner à sa passion.
Immuablement, assis sur sa chaise de plage, un vieux noir avec son haut chapeau de velours multicolore, ses vêtement imprimés. Il tient à la main son morceau de carton invitant les badauds à sourire et les harangue.
Le long de la pelouse, toujours sur la promenade, les vendeurs installent leurs tables et leur marchandise. Au sol sont marqués les emplacement qu’ils louent à la ville. Il y a le stand de têtes de morts en poterie, peintes de couleurs vives. Elles viennent du Mexique où on célèbre les morts dans la joie une fois par an, le 31 octobre. Il y a également les stands de tatouage au henné avec mille modèles exposés; celui pour faire graver son prénom sur un grain de riz. Ceux-là ne sont guère originaux.
Un peu plus loin, en face d’une terrasse de restaurant, est déjà installé le pianiste de service. Il n’est pas seul à jouer et les morceaux sont variés. Du classique, du rock; tout y passe. Parfois il chante aussi. De temps à autre, une guitare sèche vient lui faire écho.
Ah, la bagarre d’un vieux couple de clochards avinés. J’ai du mal à les comprendre mais la scène de ménage n’en est pas à son début. Ils sont déjà plein comme des barriques alors qu’il n’est que 9h00 du matin. Ils ne doivent pas dessaouler souvent ces deux là ! Lui titube au milieu de l’allée en insultant vaillamment sa compagne et en faisant de grands gestes. Il ressemble à un pantin désarticulé. Au milieu de son charabia, je comprends qu’il veut qu’elle lui foute la paix. Un grand classique du genre. Sa salopette dont on devine qu’elle a été bleue, n’est attachée que d’un côté. Pas de T-shirt en-dessous. Quant à elle, elle a le visage bouffi par sa vinasse. Ses vêtements sont si sales et si informes qu’ils sont impossible à décrire. L’un comme l’autre n’ont pas une hygiène douteuse mais plus d’hygiène du tout. Je me demande s’ils étaient déjà en couple avant de finir dans la rue ou si c’est la misère qui les a réunis. Ma question restera sans réponse, il n’est pas question d’aller faire une interview !
En face d’un hôtel de briques rouges, s’installe la cartomancienne. « Depuis 1975 » affiche-t-elle fièrement. Elle doit mesurer 1m60. Elle est blonde aux yeux bleus et à l’air très doux. Seules ses multiples bagues rentrent dans l’imagerie. En deux ans, je ne l’ai vu en compagnie d’un client qu’une seule fois. Si elle persiste, c’est qu’elle doit avoir du monde plus tard dans la journée.
A quelques mètres de là un Indien habillé d’une sorte de toge blanche, dispose ses bâtons d’encens. Il me fait chaque fois penser à Jésus, dans son espèce de toge; avec ses cheveux longs et bruns, sa barbe et ses spartiates. On s’y croirait. Est-il marié ? A-t-il des enfants ? Je le verrais bien avec un bâton de pèlerin, allant porter la bonne Parole.
Je suis presque à la limite nord de Venice. Je retrouve, adossé au même mur, un vieux clochard aux cheveux blancs avec son petit chien, au pelage assorti à la chevelure. Le chien joue avec sa balle tandis que son maître est en grande conversation avec quelqu’un du voisinage. Il est souriant, comme d’habitude, et pose un regard plein de bienveillance sur le monde qui l’entoure.
Un peu plus loin, face à lui, entre la promenade et la plage, un parking public extérieur. Celui-ci est rempli de vieux mobile homes peinturlurés. Un campement de hippies SDF. Malgré l’apparence des véhicules, mais connaissant un peu la Californie, je suppose qu’ils sont en état de rouler.
Cela me rappelle une scène improbable à laquelle j’assistais il y a quelques jours. Ayant fini ma marche quotidienne, je venais de quitter ma place de stationnement et commençais à remonter Venice Blvd vers l’Est. Sirènes de police. Je m’arrête (gare à celui qui roule au son d’une quelconque sirène). Et là, je vois arriver une voiture de police à la vitesse d’un escargot suivi d’un de ces mobile homes entièrement couvert de dessins et surchargé d’objets en tout genre. Sur son toit, des tapis, fauteuils, une baignoire en plastique rose; que sais-je encore. Le tout maintenu par de la ficelle. Je ne sais s’il s’agit d’une décoration, d’un accès aigu de la collectionnite, ou d’un mode de rangement pour objets utilitaires.  Une deuxième voiture de police fermait le cortège. La famille poulaga escortait-elle le véhicule vers le commissariat le plus proche ou jouait-elle juste le rôle d’escorte pour éviter tout accident étant donné la vitesse de croisière de la maison roulante ? Je ne le saurai jamais n’ayant pas fait de filature.
Devant le parking aux véhicules originaux, un artiste spécialisé en croûtes, dispose ses œuvres. Je ne suis pas certaine qu’il trouve beaucoup d’acquéreurs. Mais les goûts et les couleurs ne se discutant pas, il n’est pas à l’abri d’un coup de chance.
Je viens de franchir la frontière et suis maintenant sur la commune de Santa Monica. Exit les magasins, les étales, les clodos et les artistes. Bienvenue dans une ville aux origines balnéaires, qui est propre et entretenue. Maintenant la promenade et la piste cyclable se jouxtent, avec la plage d’un côté et la pelouse ou des parkings immaculés de l’autre. C’est un balai incessant de pelleteuses ou de travailleurs gratuits (l’équivalent d’un service civil venant punir une infraction) qui retire le sable de la promenade ou aplani la plage.
Mon œil n’étant plus attiré par une faune colorée, je me contente d’observer les joggers et autres promeneurs. Le panel est intéressant. Il y a le groupe de trois gentilles mamies qui marchent pour s’entretenir. Mais attention, c’est de la mamie californienne, pomponnée, en tenue de sport, casquette rivée sur la tête et chaussures de course à l’autre extrémité. Je me fais alors doubler par une mère en rollers qui pousse une poussette de course à trois roues avec frein intégré. Elle a bien sûr les écouteurs de rigueur dans les oreilles. Je ne recommande pas à sa progéniture d’avoir un creux maintenant et de tenter de rappeler qu’elle existe.
Beurk ! Regardez-moi ce pauvre bougre aux bourrelets bien fournis qui a eu le bon goût de retirer son T-shirt et qui transpire à grosses gouttes. Et comble de bonheur, il a mis un short un peu court et large qui remonte à l’entrecuisse. Un grand moment de bonheur ! Et quand il aura fini de souffrir avec l’espoir de maigrir, il se ruera sur une boisson sucrée survitaminée qui annulera tous ses efforts. Sans compter le déjeuner sur le pouce qu’il avalera dans sa voiture après être passé au drive-in du premier fast-food venu. Malheureusement, ceux-là sont nombreux et se demandent encore par quelle injustice leurs bouées ne les quittent pas.
Viens maintenant le beau mec musclé qui court à vitesse régulière sans sembler souffrir le moins du monde. A chacun son style.
Je croise aussi la petite asiatique d’une cinquantaine d’années. Dans son joli jogging noir avec sa visière blanche rivée sur les yeux. Elle me fait rire car même lorsqu’elle court, elle a un air légèrement pincé. C’est sans doute dû à sa bouche trop fine et à la rapidité de ses pas de fourmi.
Sur la piste cyclable, passe l’allumée de service qui chante à tue-tête et danse sur ses rollers. Un coup en avant, un coup en arrière, mais jamais de chute. Dommage. Je suis mauvaise, mais ce serait drôle.
Au bout de mon périple, le coin des agrès en plein air. Là, je retrouve la foule habituelle des sportifs sérieux, aux abdos en béton. Certains sont là avec leur coach (un métier qui rapporte dans cette ville) et d’autres se donnent des conseils. Pas d’originaux, juste des gens rigoureux et sérieux. Bref, pas d’intérêt particulier.
Je fais maintenant demi-tour. Le soleil est face à moi et j’apprécie comme tous les matins sa caresse sur mon visage. J’écoute en ballado-diffusion mes émissions préférées qui me font rire ou sourire. Je dois avoir l’air d’une gentille folle. Je le sais mais je m’en moque.
Sur la promenade de Venice, les magasins de souvenirs, de pipes à eau, de lunettes de soleil et de maillots de bains ont ouvert. Sans oublier les « doctors ». Car si la consommation d’herbe est officiellement interdite, il y a un moyen tout à fait légal de s’en procurer. Vous allez donc voir un de ces docteurs, vous plaignant d’une douleur quelconque. Vous repartez avec une prescription valable un an. Après avoir vu le docteur, vous choisissez votre drogue dans le magasin et le tour est joué. Vous devez être toujours muni de votre prescription « médicale » si vous fumez ou avez de l’herbe sur vous. Voilà ce que m’expliquait un jour un touriste américain esseulé et en mal d’échange qui n’avait pas hésité à interrompre ma passionnante lecture du moment. Bien lui en a pris, sans quoi je n’aurais toujours pas compris ce qu’étaient ces enseignes avec fleur de cannabis ni à quoi correspondaient ces cartes de visite qu’on me donnait régulièrement.
Les touristes commencent à prendre possession des lieux. Les chanteurs de rap sont là, avec leurs écouteurs qu’ils veulent à tout prix vous mettre sur la tête pour vous convaincre d’acheter leur CD. L’ambiance n’est plus exactement la même. Quand j’arrive le matin, j’ai un peu le sentiment d’être invitée chez quelqu’un. C’est comme si je pénétrais un appartement gênant où tout le monde se connaît. L’ambiance est conviviale. Et je sais que je ne fais partie de ce monde, alors je passe, discrètement, sans faire de bruit. Et si j’ai repéré certains des « habitants », il y a longtemps qu’ils m’ont repérée aussi. Mais lorsque je reviens, la foule des badauds a changé les choses. Ils ne se sentent pas invités chez quelqu’un mais regardent tous ces marginaux comme si c’était des bêtes curieuses. Ils trouvent le lieu et les gens « pittoresques » et en ont un peu peur. 
Quant à moi, je m’en suis mis plein les yeux. J’ai encore une fois aimé ce spectacle bigarré, la vue du Pacifique et de cette immense plage parsemée des baraques bleues des maîtres nageurs. Demain, je sais que je reviendrai, que tous les habitants de ce squat géant m’accepteront et me laisseront traverser leur grand salon sur la pointe des pieds avec mon sourire idiot aux lèvres.