samedi 7 février 2015

Mamie Blue

C'était une femme de petite taille, menue, avec un regard bleu clair très franc. Elle faisait preuve d'un dynamisme à toute épreuve. Du reste, ses petits enfants l'appelaient Mamie Blue, moi je l'avais surnommée Mamie Speedy !

Elle aimait être entourée de ses petits-enfants dans la maison de famille pendant les vacances scolaires. Faute de pouvoir chauffer cette grande bâtisse en hiver, il y avait tout de même la Toussaint, les vacances de Pâques et les grandes vacances. N'étant pas moi-même une de ses petites-filles, je n'ai pas connu les cousins petits faisant les fous dans le jardin. En revanche, je me souviens de ce premier été où j'avais été invitée. J'avais été subjuguée.

Mamie Blue venait de faire construire une piscine pour ses petits-enfants. Parce qu'elle était comme ça, généreuse et voulait qu'ils se sentent bien. Du haut de mes 18 ans, je regardais fascinée cette grand-mère à l'organisation sans faille. Elle venait en amont de la famille, allait voir ses fournisseurs attitrés et remplissait les congélateurs en vue de nourrir tout ce petit monde pendant l'été. Le matin, elle allait chercher les produits frais manquants. La liste des menus était préparée à l'avance et roulez jeunesse.

Je me souviens, c'était au mois de juillet. La maison était pleine. Certains de ses enfants avec des amis, certains de ses petits-enfants avec des amis. Tout cela regorgeait de vie : des courses, des cris, des rires.

A table chacun avait sa place en fonction de son rang dans la fratrie. Les tablées étaient grandes et les repas animés. Les enfants avaient leur propre table dans la cuisine, heureux d'échapper à ces repas pour eux interminables, et ravis de pouvoir retourner jouer leur dernière bouchée avalée.

Je me souviens aussi de cet été où Mamie Blue a vu qu'il fallait refaire les mastics des portes-fenêtres des dépendances. Et la voilà, installant des tréteaux, recrutant de la main d'œuvre parmi les jeunes et hop. Nous avons beaucoup ri tout en travaillant. C'est du reste à cette occasion que je l'ai surnommée Mamie Speedy.

Elle était généreuse, n'aimait pas l'injustice. Elle a eu son compte d'épreuves mais c'était une femme forte qui forçait mon admiration. Son mari est décédé alors que les enfants étaient des adolescents. Situation difficile s'il en est. Elle aimait ses enfants du plus profond de son cœur mais ne savait pas vraiment le dire. Avait-elle peur de perdre de son autorité ? Reproduisait-elle un schéma ? Elle a été bien différente avec ses petit-enfants, se sentant plus libre de laisser transparaître ses sentiments.

Et puis, il y a quelques années, elle a perdu un fils. Quoi de plus terrible pour une maman ? Mais Mamie Blue était déjà une très vieille dame et peut-être ne s'est-elle pas vraiment rendu compte. Je l'espère pour elle.


Le temps a passé. Elle est devenue une petite dame fragile dont le corps semblait l'encombrer. C'était vendredi matin. Elle a dit avoir froid. Le temps de lui apporter une couverture et elle s'en était allée. Elle s'est éteinte doucement, sans bruit, comme une bougie arrivée en bout de course. Maintenant je suis sûre qu'elle veille sur les siens depuis le monde des Esprits. Je lui souhaite un beau voyage.