lundi 11 avril 2011

Période de répit


4 décembre 2010 : retour à Los Angeles.

Deux mois et demi pour le moins difficiles viennent de s'écouler loin de l'homme de ma vie et de la Chups. J'ai subi une intervention chirurgicale le 22 novembre, la dernière chimio le 1er décembre et un temps hivernal comme je n'en ai pas vécu depuis des années. Froid de gueux, neige (ça c'était chouette !), vent glacé. Bref, il me tarde d'aller faire le plein de soleil, et donc d'énergie, pendant un peu plus d'un mois avant de revenir attaquer la radiothérapie.

Me voici donc sagement à la porte d'embarquement, avec mon turban sur la tête, à lire depuis plus d'une heure. Je sens que l'appel va commencer, je suis crevée et l'idée de piétiner me fatigue encore plus. Allez hop, on y va au culot. Qui ne tente rien n'a rien. Ils appellent les prioritaires; j'explique mon cas, et en voiture Simone, je passe devant tout le monde. Un embarquement de rêve ! Alors que les gens se bousculent et cherchent une place pour leur bagage à main, je suis déjà confortablement installée. Quelle chance !

J'ai devant moi douze heures de vol et un décalage de 9h00 qui m'attendent. Comme à mon habitude, je ne me demande pas comment je vais le gérer. Je prends les choses comme elles viennent… sinon on n'en sort pas. Déjà, le scoop de l'année, c'est que je parviens à dormir un peu dans l'avion, par petits tronçons. La seule chose dont je souffre, c'est le déshydratation… la peau de mes mains tire et je n'ai pas de crème sur moi bien sûr. Quant aux hôtesses, elles prétendent ne pas en avoir. Et mon œil, t'as vu comme il est marron : elles en ont pour les premières !

Bien que n'aimant pas les anticipations négatives, je sais d'expérience que l'arrivée à LA va être un enfer. Au moins une heure à piétiner, et je suis gentille ! Si je ne me sentais pas le courage de piétiner un quart d'heure avant le décollage, vous imaginez à quel point je m'en sens de taille après douze heures de vol. Je vais donc interroger le steward. La solution : demander un fauteuil roulant pour l'arrivée. Ça me semble extrême; j'ai l'impression, certes ridicule, d'usurper la place d'autrui, mais sous prétexte de scrupules idiots, je ne vais pas non plus me mettre encore plus à plat. Allons-y pour le fauteuil roulant.

Je n'ai jamais passé les douanes aussi rapidement ni aussi facilement. Ça existe ça ??? Ouh yeah ! Le charmant jeune-homme qui pousse mémé dans son fauteuil, doit en plus tirer le bagage de la dame, faute d'avoir trouvé un porteur. Il s'en est sorti comme un chef mais là, il s'arrête perplexe. Et pour cause, pour atteindre la sortie, à droite comme à gauche, il faut monter une cote. Qu'à cela ne tienne, je vais descendre du fauteuil, lui dis-je. "Mais, vous êtes sûre que vous pouvez ? ". He oh, là, on se calme. Fatiguée, certes, mais encore capable de mettre un pied devant l'autre. A 41 ans avec juste une chimio, il ne faut rien exagérer tout de même ! Bref, nous plantons le fauteuil roulant et c'est parti. Heureusement. Je pense que c'eut été un choc tout à fait inutile pour mes loulous de me voir arriver ainsi. Oh que c'est bon de les serrer dans mes bras !!!

La Chups a encore deux semaines d'école avant ses premières vacances de l'année. Il va falloir que je reprenne le flambeau : réveil à 6h30, préparation de la lunch box et certains trajets à l'école. A vrai dire, je passe ces deux semaines en mode automatique, version zombie au radar. Certains matins, je suis incapable d'émerger, surtout les premiers jours et c'est l'Homme qui doit gérer. Voici un exemple de mon état : le premier vendredi après mon retour, je suis invitée à déjeuner chez une amie avec Copine. Ce matin-là, j'assume le minimum syndical; réveil, petit déjeuner, lunch box et déposer la Chups à la station essence pour covoiturage. Cet après-midi, ce n'est pas moi qui vais à l'école et Copine propose de venir me chercher pour le déjeuner. Donc, une journée très très relaxe en perspective. Incroyable mais vrai, je suis rentrée du déjeuner, où nous n'étions que trois, vidée de toute énergie. Oh que ça m'a énervée !

Cet état léthargique fait que je n'ai pas de souvenir particulier de ces deux semaines. Si, juste un. Quelques jours après mon arrivée, mes mains se sont mises à me brûler de façon terrible, elles étaient rouges. La peau partait par plaques. Très joli ! Des mains de lépreuses. Et la tonne de crème appliquée quotidiennement n'y changeait rien. Conséquence directe de la déshydratation subie dans l'avion. C'est juste anecdotique… j'ai retrouvé mes jolies mains !

Enfin les vacances ! Dire ça quand on n'a rien fichu depuis des mois, c'est un comble. C'est pourtant bel et bien ce que je ressens. L'idée de ne pas entendre le réveil le matin est source d'un immense bonheur !

Bien. Noël en famille quand la famille se borne à papa, maman, fifille, ce n'est pas forcément top (surtout pour fifille et surtout quand l'Homme déteste Noël). Il faut donc rendre les choses un peu attractives. L'an passé, nous avions choisi la Vallée de la Mort. Le 24, nous avions fait une virée à Las Vegas avec spectacle de David Copperfield et dîner dans un bon restaurant français. De retour à l'hôtel dans la Vallée, ouverture des cadeaux. Alors, cette année ?

Il s'agit de faire dans le facile, parce qu'il y a mamie à bord ! Je suis hors d'état de nuire mais aussi hors d'état de crapahuter. Nous posons notre dévolu sur San Diego. Deux heures de route ne devraient pas épuiser la vieille. Et tant qu'à faire, nous emmenons une amie de la Chups, histoire que ce soit plus amusant pour elle. Nous partons le 19 et ramènerons son amie le 23. Quant à nous, nous prolongerons jusqu'au 25, Noël oblige.

Le soleil. Ah, le soleil tant attendu ! Le dispenseur d'énergie tant convoité ! Alors, c'est bien simple, on oublie le soleil. Voilà. Disparu. Rayé des cartes de Californie. En lieu et place, vous mettez des pluies diluviennes à partir du 19 décembre. Et pluies diluviennes ici, c'est quelque chose. Ça veut dire routes inondées, glissements de terrains, maisons détruites et, le moindre mal, coupures de courant. Et histoire de compléter le tableau, vous ajoutez un vent à décorner les bœufs.

C'est donc dans ces conditions, qui sous-entendent qu'il fait nuit en plein jour, que nous faisons la route de Los Angeles à San Diego. Bon, ça ne va pas durer, n'est-ce pas ? Alors là, tout faux. Ça dure et ça dure et ça dure ! Que faire pour occuper les donzelles ? J1 : du patin à roulettes dans un lieu couvert prévu à cet effet. Passionnant pour les vieux ! J2 : patin à glace. Toujours aussi folichon pour les vieux qui passent le temps dans un supermarché asiatique voisin (on fait ce qu'on peut!) suivi d'un passage éclair au musée de l'homme avec des filles qui font à moitié la tête. J3 : retour au musée. Les filles font moins la gueule. Elles vont de leur côté, nous du nôtre, ça évite les tensions. J4: dernier jour avec la copine. Coup de bol, il y a une embellie. Grande ballade à bicyclette le long de l'océan. Ah tout de même !

Fidèle à mon rôle de zombie, j'ai plusieurs fois abandonné l'Homme avec les filles; après cette route harassante, (j'étais passagère quand même !), ils se sont fait une toile pendant que je retrouvais les bras de Morphée. Mais, nous avons aussi inversé : escapade au restaurant en amoureux pendant que les ados refaisaient le monde avachies sur leur lit. Le 23 au soir, je laisse tout le monde partir pour raccompagner D, et je vais me coucher. J'ai bien fait, mes loulous sont rentrés à 3h00 du matin. Pas une heure pour se coucher à 90 ans !

Le 24, nous avons une trêve. Le soleil nous honore de sa présence. Histoire de ne pas en perdre une miette, nous nous installons autour de la piscine. Ce qui est pris n'est plus à prendre. Et le soir, restaurant français (oui, c'est une fixette) et ouverture des cadeaux de retour à l'hôtel. Et cette année encore, c'est super sympa.

Le 25, retour au bercail. Nous avons du nez car, à peine arrivés depuis une heure, c'est reparti pour la pluie. Et ça va être ça toute la semaine. Je crois que je passe plus de temps dans mon lit que debout !!! Ça, ça s'appelle des vacances ! Du coup, les deux semaines avant mon départ, je suis capable d'assumer mon rôle correctement.

Depuis le 15 décembre, je suis malade. Fidèle à moi-même, je ne suis pas allée chez le médecin. Je tousse comme une caisse, surtout la nuit. A tel point que je dois aller dormir dans le salon sinon je fais subir un enfer à mon Homme. Bon, à ce stade-là, je me décide à aller consulter. Oui, je sais, je suis grave. Résultat des courses : bronchite asthmatiforme. C'est la troisième en un an et demi. Je n'avais jamais eu ça avant. Il va falloir que je consulte un pneumologue à Paris, mais je crois que je suis asthmatique. Y aurait-il des choses qui m'auraient pompé l'air ces derniers temps ???

Et voilà, mon séjour californien touche à sa fin. Je dois repartir deux mois pour la radiothérapie. Hauts les cœurs, c'est la dernière ligne droite.

En attendant, ce mois de décembre a été le plus pluvieux à Los Angeles depuis 1889. Ils l'ont fait exprès pour que je ne regrette pas trop d'avoir à repartir en France, vous croyez ?

Yiha !

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