lundi 5 novembre 2012

Billet d'humeur : "Pourquoi Los Angeles me manque"


Une question récurante : Est-ce que Los Angeles te manque ?
Une réponse récurante : Oui.
Une autre question récurante : Pourquoi ?

Et ma réponse est généralement irréfléchie et foireuse, avouons-le.

Bien sûr, la première réponse qui me vient, c'est le temps. Mais c'est un peu court. Les palmiers ? Oui, aussi... mais je n'ai qu'à aller dans le sud de la France pour ça. Alors quoi ? Qu'est-ce qui fait que Los Angeles me manque quand je suis à Paris ?

Ce que j'adore à Paris : le marché ; trouver de bons ingrédients pour faire la cuisine ; connaître mes fournisseurs ; la beauté architecturale ; retrouver mes repères (les lieux, les amis, la famille...) ; l'histoire et la culture.

Ce que je déteste à Paris : les gens ronchons et fermés ; quand il fait gris, qu'il pleut et qu'on a le plafond sur la tête ; les gens qui vous engueulent alors qu'ils viennent de vous écraser le pied !

Ce que je déteste à LA : l'architecture... inexistante pratiquement partout. Le côté superficiel des gens. Le fait de savoir que je n'aurai jamais de vrais amis (américains) ici parce que je sais qu'une fois hors de leur champ de vision, je n'existerai plus.

Ce qui me manque de LA :
- trouver des légumes bio prêts à l'emploi en sachets qui ne soient pas déprimants (parce que la salade en sachet en France, même pas bio, est juste à se flinguer... Merci TJ pour les "organic broccoli florets" et autres "organic baby lettuce" ;
- le temps merveilleux quasi toute l'année ;
- avoir l'océan Pacifique à côté et pouvoir me vider l'esprit en le longeant à loisir,
- et finalement ce côté moche et bordélique de la ville qui dit "on s'en fout, ce n'est pas le plus important".


En fait, la vraie réponse, la voilà :

Lorsque nous sommes arrivés en août 2006, il n'y avait quasiment pas de recyclage. Lorsque j'allais faire mes courses, j'étais juste horrifiée : personne n'avait ses sacs recyclés et, en achetant trois produits, on repartait avec cinq sacs en plastique. Pourtant, en quelques mois, tout a basculé. Les poubelles de tri ont poussé comme des champignons et chacun s'est muni de ses sacs de courses. Une réactivité et une discipline impossible en France !!!

En 2008, la crise a été virulente. D'un coup, toutes les voitures neuves avec des plaques temporaires (en gros, une voiture sur trois) ont disparu et de vieilles Cadillac et autre tacots sortis des fonds de garage, gouffres à essence, certes, ont fleuri. L'avantage était qu'elles étaient payées depuis longtemps et que cela éliminait un crédit pour les familles. L'inexistence de protection des salariés a permis à bien des entreprises de faire une purge drastique... et certaines enseignes ont simplement disparu. Dans le même temps, les panneaux de mises en vente ou en location de maisons et d'appartements ont fleuri à la vitesse de l'éclair... Certains étaient dus au déménagement des expatriés et américains venus des autres états et qui repartaient chez eux, faute d'avoir un contrat renouvelé. D'autres étaient des "forclosure"... maisons saisies par les banques car les gens n'avaient pas pu honorer leurs dernières mensualités (et ce, même s'ils avaient payé avec régularité depuis plus de 20 ans).
Pourtant, je n'ai entendu aucune pleurnicherie de la part des californiens. J'ai vu des mères au foyer, ayant arrêté de travailler depuis plus de sept ans, déclarer chercher un travail du jour au lendemain. Elles ne semblaient ni angoissées, ni complexées... Elles ont en effet trouvé un travail, et avec beaucoup de bonheur en plus ! Beaucoup ont fui cette ville du paraître où tout est horriblement cher et ceux qui sont restés ont changé drastiquement leur mode de vie. Bref, la réaction des Américains est de prendre acte de la situation et de tenter de rebondir, de trouver une solution au plus vite.


Voilà huit mois que je ne suis pas venue ici. Une grande surprise m'attendait. Des cyclistes ! Pas l'habituel cycliste du dimanche qui fait sa balade en famille à Venice Beach ou Santa Monica. Non, non, des gens qui se sont équipé de belles bicyclettes neuves pour leurs déplacements quotidiens... quand les distances le leur permettent. La ville a même créé des pistes cyclables sur les grands axes. Bon, elles ne sont pas protégées, alors personnellement je ne m'y risquerais pas, sauf à utiliser les trottoirs (quand il y en a) comme le font certains.

Alors ce qui me manque ? Ces gens toujours positifs et prêts à rebondir. Ils prennent les choses en l'état et font ce qu'il faut à partir de là. L'essence atteint des prix records dans la ville de la voiture où les distances sont gigantesques ? Bien. Alors, on achète des bicyclettes qu'on utilise pour chaque petite distance. Ce sera toujours ça d'économisé. On est loin du personnage aigri et râleur qui se regarde le nombril en pleurant sur son sort alors qu'il bénéficie de nombreux avantages (une sécurité sociale, une assurance chômage, une interdiction d'être évincé de son logement en hiver et j'en passe...). Et oui, je sais qu'ils m'oublieront (pour la plupart) dès que je serai dans mon avion pour Paris. Mais qui suis-je pour juger ?

Comme beaucoup de Français qui sont ici, c'est un choix. Les liens avec mon pays et ma famille d'origines ne sont pas coupés. J'ai la chance de pouvoir repartir revoir les miens de temps à autre. J'ai la chance d'avoir un ordinateur et de profiter d'une incroyable technologie.

Mais qui suis-je pour juger les californiens qui m'entourent ? Eux sont de vrais déracinés. Leurs ancêtres ont quitté l'Europe pour fuir la misère et la famine. Et puis, pour certains, ils sont encore partis de la côte Est pour venir chercher de l'or et tenter le tout pour le tout. Combien de sacrifices ? Combien de déchirements ? Combien de morts en cours de route ? Cette partie de leur histoire est ancrée en eux. Vous auriez envie de vous attacher vous ?

Alors certes, ils ne s'engagent pas humainement comme nous le faisons nous ; bien sûr, cela donne des relations superficielles... mais à côté de cela, ils sont plein d'énergie, de positivisme. Et je préfère être entraînée par une énergie positive que par une énergie négative.

Yiha !

3 commentaires:

  1. Merci Muriel pour cette excellente analyse.
    J'apprécie énormément le beau temps et la positivité américaine...
    Certes il est très difficile d'avoir des amis au sens où nous l'entendons en France.
    Mais vivre avec des gens qui ne font pas la gueule est extrêmement agréable.
    De plus, les Américains rendent service, avec le sourire, quand ils le peuvent.
    A la porte de chez moi à 22h30, mon voisin a appelé un serrurier pour me dépanner et s'est assuré que le problème soit réglé dans l'heure suivante...
    Chantal

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  2. Quel bel article et je partage tout à fait ton point de vue sur Los Angeles. Je suis ici depuis 1980 et mon mari est Américain de Los Angeles, ce qui est assez rare car les gens se déplacent beaucoup ici soit pour leurs études soit pour trouver du travail. Moi aussi j'apprécie le temps, ça donne le moral, l'optimisme des gens autour de moi et SURTOUT la positivité. Personne ne râle ici et on se sent plus léger. Les contacts sont peut-être superficiels mais j'apprécie faire une petite causette avec la caissière du magasin et j'apprécie leur aide. Tout le monde a le sourire et prend la vie du bon côté. Je ne pourrai pas m'imaginer revivre en Suisse même si j'apprécie y retourner chaque année. Oui, Los Angeles n'a pas la plus belle architecture mais la ville est très diverse et a son caractère propre. La nature par contre est magnifique et très colorée même en hiver. Et bien sûr, j'adore l'océan. Quand j'y vais j'ai l'impression que je suis en vacances et y suis pour me ressourcer.
    Oui, j'aime l'énergie de cette ville!

    Sylvaine

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    1. Merci Sylvaine. Je n'évoque pas la nature dans ce post car c'était hors sujet. Mais oui, la nature est fantastique et, par son immensité, nous rappelle que nous ne sommes pas grand-chose. Bises. A bientôt.

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